Cathédrale Notre Dame de Paris,

la Philosophie ou Scala Philosophorum

 

 

cathédrale Notre Dame de Paris, la Philosophie ou scala philosophorum

Cathédrale Notre Dame de Paris, portail ouest. Inondée de Soleil, la Philosophie accueille le pélerin.

 

Fulcanelli commente ce médaillon. Son emplacement central met fortement en relief le message : l'Alchimie - la Philosophie - nous accueille. Il donne un sens ésotérique à la lecture de ce livre de pierre, complétant le sens exotérique et religieux de ces sculptures.

Mais d'où vient cette représentation ?

Avant de découvrir plus loin l'origine de cette représentation de la Philosophie, cliquez ici si vous souhaitez lire le passage de Fulcanelli consacré à la Philosophie, qu'il interprète comme étant la Vierge mère ou Cybèle.

 

Julien Champagne réalise là un magnifique croquis. Il est l'illustrateur des Fulcanelli, mais, bizarrement, il est aussi la seule personne connue ayant dédicacé deux livres de Fulcanelli de sa propre plume, utilisant lui-même le pseudonyme de "Fulcanelli".

 

Julien Champagne, la philosophie de la cathédrale Notre Dame de Paris

Croquis de Julien Champagne de la Philosophie de la cathédrale Notre Dame de Paris

 

Ce pilier est dû à l'architecte Viollet Le Duc. Il entreprend une restauration complète de la cathédrale au XIXème siècle. Le pilier original fut ôté en 1771, du temps de Louis XV pour "donner passage à des dais de menuiseries recouverts d'étoffes lors des processions", mutilant ainsi terriblement ce beau portail du "Jugement dernier".

Viollet le Duc s'inspire des motifs de la cathédrale de Laon pour orner la base du trumeau, le pilier central, des sept "arts libéraux", enseignés aux "escholliers" du moyen-âge. Ceux-ci se composent du trivium et du quadrivium, selon la classification de Boèce, philosophe et homme  politique de Ravenne, sur la côte adriatique, en 520.

La Philosophie englobe les "voces"; la Dialectique, la Grammaire. Ce sont les voix pour "dire", expliquer. Celles-ci permettent d'étudier les choses matérielles ou le Quadrivium. Le quadrivium, autre partie de la Philosophie, comporte la Géométrie (mathématiques), la Médecine (choses de la terre), l'Astronomie (choses du ciel), la Musique (l'harmonie des ensembles matériels formant la Création). Elles prennent sens toutes ensemble. Elles tissent ainsi le corps de la Philosophie.

 

Allégorie de la philosophie, vitrail de la cathédrale de Laon

Cathédrale de Laon, rosace nord, vers 1200. Restaurée par Auguste Steinlein en 1865. La "Philosophie" nous tend son échelle, moyen d'accéder au ciel que touche sa tête. Elle est placée au coeur de la rosace. Les sept arts libéraux sont représentés à sa périphérie, disposés en pétale.

 

 

Sur la photo de la cathédrale Notre-Dame de Paris la Philosophie est assise, au centre du pilier.

Elle est entourée à gauche de la Médecine et à droite de l'Astronomie. La Musique et la Grammaire se trouvent sur le côté droit, non visibles ici. La Dialectique et la Géométrie font le pendant, sur le côté gauche. Ces six disciplines de l'esprit sont les barreaux de l'échelle qui nous permet de monter du bas de la robe de Philosophie - le monde des choses matérielles - au haut de sa robe - la compréhension de l'esprit, la sagesse.

Boèce, personnage politique au sommet de l'Etat du temps de Théodoric le Grand (454 - 426+), dans la deuxième Rome, Ravenne, est également un érudit en grec. Condamné à mort par son mentor, Théodoric le Grand, il est supplicié en prison et meurt à Pavie vers 520.

Père du concept du Quadrivium, il personnifie la Philosophie en femme céleste tenant une échelle.

 

Boèce, la Philosophie allaite deux hommes

Manuscrit hollandais de la "Consolatio" de Boèce, vers 1500.

 

Boèce rédige en prison, entre deux séances de torture, son testament philosophique et autobiographique "Consolatio". Il décrit l'arrivée de la Philosophie auprès de lui, se mettant en scène alité dans sa cellule.

Elle est comme une sorte de reine céleste : " ... elle avait des yeux ardents et plus perçant que la vision du commun des hommes, son teint était vif et sa vigueur inépuisable, bien qu'elle fût si chargée de siècles qu'il était impossible de la croire de notre temps ... tantôt le sommet de sa tête semblait frapper le ciel et comme elle se dressait fort haut, elle pénétrait aussi le ciel lui-même et trompait la vue et les regards. Les vêtements étaient fait de fils très fins, avec un art subtil et dans une matière indestructible ... elle les avait elle-même tissés de ses propres mains... on lisait en grec, brodés sur le bord, tout en bas, un Pi, tout en haut un Théta (1) et entre les deux lettres on voyait, à la manière d'une échelle, des sortes de degrés marqué d'un signe qui permettaient l'ascension du caractère inférieur au caractère supérieur ... Elle tenait de la main droite des opuscules, un sceptre de la main gauche."

(1) "Pi est l'initiale, en grec, de Philosophie pratique et Théta l'initiale de Philosophie théorique, c'est-à-dire contemplative." Jean-Yves Tilliette, in "Boèce, La Consolation Philosophique" p.14, édition Les Belles Lettres, Livre de Poche, 2008.

 

Cette description prouve que Boèce est le père de cette représentation lapidaire célèbre dont elle reprend point par point les descriptions du texte. Elle est reprise dans nos cathédrales, sous forme de vitrail ou de bas-relief de pierre, du XIIIe au XIXe siècle.

La cathédrale de Sens, soeur aînée de la cathédrale Notre-Dame de Paris, possède sa Philosophie. Sa robe porte, conformément à  la description de Boèce, la lettre Pi grecque, en majuscule, sculptée au bas de sa robe. Cette lettre est répétée plusieurs fois pour former un motif décoratif. Le haut de la robe, à l'encolure, montre la lettre grecque Théta, répétée trois fois pour la même raison (1).

 

Philosophie de Boèce à la cathédrale de Sens

Cathédrale de Sens, représentation de la Philosophie, selon la description de Boèce.

 

"(Boèce) porte son effort d'abord, dans les années 500, sur les quatre arts du nombre qu'il est le premier à nommer Quadrivium. Si ses traités d'astronomie et, pour l'essentiel, de géométrie sont aujourd'hui perdus, le "De institutione arithmetica" et le "De institutione musica"... fournissent... la référence essentielle, au moins jusqu'au premier millénaire." précise Jean-Yves Tilliette, in "Boèce, La Consolation Philosophique" opus cité.

Cet auteur est si réputé qu'il nourrit tous les penseurs du moyen âge, jusqu'à la Renaissance. Une copie, sous forme de parchemin, de l'ouvrage "Consolation Philsophique" que Boèce écrivit en prison juste avant sa mise à mort, se trouve dans la bibliothèque des frères Jean Lallemant à Bourges. Nous y reviendrons dans notre chapitre sur Bourges consacré à l'hôtel Lallemant. Ces dernières années Boèce est l'objet de plusieurs colloques internationaux. Le pape Benoit XVI consacre même une étude à Boèce, lors d'une audience tenue en mars 2008 : "Boèce, symbole de l'injustice carcérale".

 

(1) Emile Mâle "L'Art religieux du XIIIe siècle en France, étude sur l'iconographie du moyen-âge et sur ses sources d'inspiration" (consultable sur Gallica), Paris, éditeur Leroux, 1898, page 125.

 

Cliquer sur les deux photos pour des vues élargies et d'autres commentaires

Les septs arts libéraux :

Boèce à la cathédrale Notre Dame de Paris : Géometrie, Dialectique et Médecine

Géométrie, dialectique, médecine

le trivium et le quadrivium

Boèce à la cathédrale Notre Dame de Paris : astronomie, grammaire et musique

Astronomie, grammaire, musique

Cathédrale Notre Dame de Paris. Trivium et quadrivium de Boèce, les arts libéraux.

 

 

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