"Amphitheatrum sapientiae aeternae"

de Henri Khunrath

 

Julien Champagne agrémente le manteau de cheminée de son laboratoire d'une magnifique planche alchimique, tirée du livre d'Henri Khunrath (1560-1605), amoureux de Théosophie et Docteur en Médecine, "Amphithéatre de l'éternelle sagesse", imprimé à Hambourg en 1595. L'édition originale comporte quatre planches et vingt quatre pages de texte latin enrichi de grec et d'hébreu. La première planche, la plus connue, montre l'alchimiste en prière dans son laboratoire. Le Rebis ou l'Androgyne est la deuxième planche, celle figurant dans le laboratoire de Julien Champagne et ci-dessous.

 

Khunrath_detail.jpg (745870 octets)

Exemplaire conservé à l'université Madison dans l'état du Wisconsin, aux Etats-Unis. Cliquer sur la photo pour accéder aux pages consacrées au livre de  Khunrath sur leur site et voir l'intégralité de cette édition originale.

 

Petit historique de cet ouvrage :

La réputée librairie parisienne spécialisée Thomas-Scheler porte à son catalogue : "On ne connaît que trois exemplaires de l'édition originale de 1595, illustrée de 4 planches seulement et imprimée sur une presse privée, sans doute à Hambourg (Bâle, Darmstadt, et l'exemplaire de Duveen, maintenant au Wisconsin). Duveen qualifiait cet ouvrage de "one of the most important books in the whole literature of theosophical alchemy and the occult sciences". A sa mort en 1605, Khunrath préparait la seconde édition de l'Amphitheatrum sapientiae. Elle fut finalement publiée quatre ans plus tard par son élève Erasmus Wolfart, avec les planches dessinées par Jan Vredeman de Vries. Elle est illustrée d'un titre gravé, du portrait de l'auteur, et de 10 gravures, dont 5 rectangulaires sur double page représentent des paysages symboliques avec texte gravé, 4 gravures allégoriques circulaires sur double page, et une petite gravure représentant une chouette à lunettes, avec texte en allemand, sceau kabbalistique de Khunrath. Théosophe de l'école de Paracelse, Khunrath expose dans cet ouvrage sa philosophie complexe, élaborée à partir de différents enseignements dont la Bible, la kabbale, l'alchimie, la magie, la médecine et l'histoire."

En 1898 la librairie parisienne Chacornac reproduit en phototypie les douze planches de l'ouvrage. Puis en 1900 cette même librairie offre une première traduction française complète de 182 pages, comme mentionné par le catalogue de la Bibliothèque Nationale de France.

La gravure du laboratoire de Julien Champagne est certainement issue d'une reproduction phototypique de 1898. Son format est largement supérieur au format in-8° des planches  éditées par la librairie Chacornac. A-t-il bénéficié d'un tirage spécial ?

Julien Champagne peut également trouver cette gravure dans la réédition de 1890 de l'ouvrage de Stanislas de Guaita "Essai de sciences maudites 1 Au seuil du mystère", édité par Georges Carré à Paris. Cette nouvelle édition (téléchargeable ici au format pdf) augmentée présente deux planches de Khunrath, dont la planche du "Rebis".

 

Ruah_Elohim.jpg (29949 octets)

 

Les symboles de cette planche :

Dans l'appendice ajouté à la fin de cette réédition Papus fait un commentaire (pages 125 à   147) de cet Androgyne. Il explique les trois parties cette planche alchimique, le chaos, en bas, le Rebis luni-solaire, au milieu, et l'azoth, feu animateur visible et invisible, au dessus.

Fulcanelli, dans son livre "Les demeures philosophales", cite Khunrath dans sa réédition Chacornac de 1900. Il cite une partie du texte entourant la gravure circulaire et centrale du Rebis. Voici la citation de Kunrath par Fulcanelli :

Fulcanelli "... Touchant ce mercure, qui est aussi le sel des sages et la pierre angulaire de l’Œuvre, nous citerons un passage de Kunrath , fort transparent malgré son style emphatique et l’abus de phrases incidentes : " La pierre des Philosophes, dit notre auteur, est Ruach Elohim (qui reposait, - incubebat, - sur les eaux [Genèse, I]), conçu par la médiation du ciel (Dieu seul, par sa pure bonté, le voulant ainsi), et fait corps vrai et tombant sous les sens, dans l’utérus virginal du monde majeur primogénéré, ou du chaos créé, c’est-à-dire la terre, vide et inane, et l’eau ; c’est le fils né dans la lumière du Macrocosme, d’aspect vil (aux yeux des insensés), difforme et presque infime ; consubstantiel cependant, et semblable à son auteur (parens), petit Monde (ne t’imagine pas ici qu’il s’agisse de l’homme ou de quelque autre chose, de ou par lui), catholique, tri-un, hermaphrodite, visible, sensible au tact, à l’ouïe, à l’olfaction et au goût, local et fini, manifesté régénératoirement par lui-même, et, au moyen de la main obstétricale de l’art de la physico-chimie, glorifié en son corps dès son assomption ..." Fin de citation.

Julien Champagne peut voir tous les jours dans son laboratoire cette citation de "Ruach Elohim" inscrite contre la tête lunaire du Rebis, à sa droite.

Dans l'édition 1900 de Chacornac Papus et Marc Haven commentent ces planches. Papus connait Pierre Dujols. Dans le fond Papus de la bibliothèque municipale de Lyon se trouve un manuscrit de Pierre Dujols, intitulé "La chevalerie". Pierre Dujols est l'initiateur en alchimie de Julien Champagne, comme vu à la page précédente "le laboratoire de Julien Champagne".

Il est possible que cette planche de Khunrath fixée au mur de son laboratoire soit un témoignage de la gratitude de Julien Champagne, alchimiste en quête, à l'égard d'un de ces hommes, Papus ou Pierre Dujols son maître ?

 

 

Retour à la page "Julien Champagne et la gravure de laboratoire"

Retour à la page "Château des Avenières, arcane XIII, le Diable"