La crédence de la chapelle de l'hôtel Lallemant

L'énigme du RERE RER,

alchimie ou généalogie ?

 

 

Hôtel Lallemant à Bourges, la crédence

 

 

Le style de cette crédence est identique à celui du porche d'entrée par lequel vous êtes passé pour arriver ici. Il se retrouve sur tout l'édifice, jusqu'au fronton des portes de la cour intérieure. Cette unité de style prouve l'unité de construction de cet hôtel particulier, reconstruit intégralement après le gigantesque incendie qui ravagea Bourges en 1487.

L'énigme de cette crédence porte sur les lettres R et E, leur répétition, leur disposition, leur signification. Nous les retrouvons sur un livre de prières appartenant à Jean Lallemant (le fils) dit "l'aîné", pour le différencier de l'autre fils Jean Lallemant, dit "le jeune".

Une autre lecture de cette énigme se profile alors, nous serions devant une question relevant de la génalogie de la famile lallemant.

En effet, Mme Brigitte Stievenard, attachée honoraire de conservation, nous invite à étudier les "Livres d'heures", les livres de prières de la famille Lallemant. Les deux fils Lallemant, Jean l'aîné et Jean le Jeune, ainsi nommés pour les distinguer, commandent de magnifiques manuscrits enluminés. Les R et les E figurent sur le dossier et les montants de bois. Ils se conjuguent mutuellement sur le dossier du trône du roi David, reconnaissable à sa harpe, comme le fond de la crédence.

 

Hôtel Lallemant, manuscrit au roi David

Enluminure d'un manuscrit livre d'heures de la famille Lallemant à Bourges

 

Le roi David vient de perdre sa couronne qui gît à terre. Il est en contrition devant un saint homme, un saint barbu aux pieds nus. Déchu de sa royauté, il abaisse son scepre à terre, tenu de sa main gauche. Le poing fermé, de son bras droit il se frappe la poitrine. Son genou gauche au sol, il se tient agenouillé. Il laisse son trône vacant.

Ce récit imagé est-il autobiographique de la conscience religieuse grandissante des notables Lallemant ? Le roi va vers un dépouillement matériel. Les Lallemant s'approprient cette histoire. Est-ce à leur image ?

La saga spirituelle enseignée par cette enluminure est la même que celle du plafond aux trente caissons de la chapelle de l'hôtel particulier des Lallemant.

 

 

 

Hôtel Lallemant à Bourges, Manuscrit Boèce

Manuscrit de Boèce de la famille Lallemant

 

Au fronton de cet édicule les R et les E ne se conjuguent plus. Des coquilles Saint Jacques de couleur sable, terme héraldique signifiant noir, remplacent les R, dans leur conjugaison avec les E.

Il est logique de penser que différents membres de la famille soient ainsi représentés. Le mystère du RERE RER change de nature, il s'agit simplement d'identifier les personnes de cette famille, ainsi nommées.

 

 

Par contre, la lecture donnée par l'alchimiste parisien du début du XXème siècle, Fulcanelli, diffère. Il commente davantage les lettres RERE RER que les trente caissons du plafond. Il situe là une enigme majeure de la pratique alchimique. Les vues suivantes permettent de mieux voir la crédence et la disposition alternée des lettres.

 

 

Hôtel Lallemant à Bourges, la crédence détail 1

Hôtel Lallemant à Bourges, la crédence RERE RER

 

 

Voici un large extrait du commentaire de Fulcanelli sur le RERE RER, dans son premier ouvrage "Le mystère des cathédrales" :

 

"... L’énigme par elle-même comporte deux termes : RERE, RER, qui semblent n’avoir aucun sens et sont, tous deux, répétés trois fois sur le fond concave de la niche.

Nous découvrons déjà, grâce à cette disposition simple, une indication précieuse, celle des trois répétitions d’une seule et même technique voilée sous la mystérieuse expression RERE, RER. Or, les trois grenades ignées du fronton confirment cette triple action d’un unique procédé, et, comme elles représentent le feu corporifié dans ce sel rouge qu’est le Soufre philosophal, nous comprendrons aisément qu’il faille réitérer trois fois la calcination de ce corps pour réaliser les trois œuvres philosophiques, selon la doctrine de Geber. La première opération conduit d’abord au Soufre, ou médecine du premier ordre ; la seconde opération, absolument semblable à la première, fournit l’Elixir, ou médecine du second ordre, lequel n’est différent du Soufre qu’en qualité et non pas en nature ; enfin, la troisième opération, exécutée comme les deux premières, donne la Pierre philosophale, médecine du troisième ordre, laquelle contient toutes les vertus, qualités et perfections du Soufre et de l’Elixir multipliées en puissance et en étendue...

... Mais comment déchiffrer l’énigme des mots vides de sens ? – D’une manière très simple. RE, ablatif latin de res, signifie la chose, envisagée dans sa matière ; puisque le mot RERE est l’assemblage de RE, une chose, et RE, une autre chose, nous traduirons deux choses en une, ou bien une double chose, et RERE équivaudra ainsi à RE BIS. Ouvrez un dictionnaire hermétique, feuilletez n’importe quel ouvrage d’alchimie et vous trouverez que le mot REBIS, fréquemment employé par les Philosophes, caractérise leur compost, ou composé prêt à subir les métamorphoses successives sous l’influence du feu. Résumons. RE, une matière sèche, or philosophique ; RE, une matière humide, mercure philosophique ; RERE ou REBIS, une matière double, à la fois humide et sèche, amalgame d’or et de mercure philosophiques, combinaison qui a reçu de la nature et de l’art une double propriété occulte exactement équilibrée.

Nous voudrions être aussi clair dans l’explication du second terme RER, mais il ne nous est pas permis de déchirer le voile de mystère qu’il recouvre. Néanmoins, afin de satisfaire, dans la mesure du possible, la légitime curiosité des enfants de l’art, nous dirons que ces trois lettres contiennent un secret d’une importance capitale, qui se rapporte au vase de l’Œuvre. RER sert à cuire, à unir radicalement et indissolublement, à provoquer les transformations du compost RERE...

... Qu’est-ce donc que RER ? - Nous avons vu que RE signifie une chose, une matière ; R, qui est la moitié de RE, signifiera une moitié de chose, de matière. RER équivaut donc à une matière augmentée de la moitié d’une autre ou de la sienne propre. Notez qu’il ne s’agit point ici de proportions, mais d’une combinaison chimique indépendante des quantités relatives. Pour nous faire mieux comprendre, prenons un exemple et supposons que la matière représentée par RE soit le réalgar ou sulfure naturel d’arsenic. R, moitié de RE, pourra donc être le soufre du réalgar ou de son arsenic, lesquels sont semblables, ou différents, selon qu’on envisage le soufre de l’arsenic séparément ou combinés dans le réalgar. De telle sorte que RER sera obtenu par le réalgar augmenté du soufre, qui est considéré comme formant la moitié du réalgar, ou de l’arsenic, envisagé comme l’autre moitié dans le même sulfure rouge.

Quelques conseils encore ; cherchez tout d’abord RER, c'est-à-dire le vaisseau. RERE vous sera ensuite facilement connaissable..." (fin de citation)

Dans l'édition originale du "Mystère des cathédrales" Fulcanelli termine là son ouvrage. Il conclut ensuite par sur un commentaire de l'adage de Zoroastre "savoir, pouvoir, oser, se taire" que des milieux occultistes du XIXe siècle se plaisent à reprendre en le faisant figurer au pied d'un sphinx.

 

Cependant cette interprétation de Fulcanelli n'est pas si sûre que celà. En effet, certains caissons ne sont pas identifiés correctement au niveau des objets représentés. La lecture s'en trouve automatiquement altérée. Malheureusement, ceux qui ont écrit à ce sujet par la suite ne l'ont pas relevé. Alors, quelle confiance accorder à tous ces écrits ?

 

Hôtel Lallemant, Bourges, vitrail de la chapelle

Vitrail aux armes des Lallemant. Restauration de 1926

 

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