Fulcanelli et la statue de la Prudence de la cathédrale de Nantes

 

 

Les photos ci-dessous illustrent les propos de Fulcanelli dans "Les Demeures Philosophales" : "la Prudence fut longtemps une divinité allégorique à laquelle les Anciens donnaient une tête à deux visages, – formule que notre statue reproduit exactement et de la façon la plus heureuse. Sa face antérieure offre la physionomie d’une jeune femme au galbe très pur, et sa face postérieure celle d’un vieillard dont le faciès, plein de noblesse et de gravité, se prolonge dans les ondes soyeuses d’une barbe de fleuve. Réplique de Janus, fils d’Apollon, et de la nymphe Créuse…"

 

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Derrière la nuque de la jeune femme se voit la barbe du vieillard qui coule dans son dos à elle qui est sa poitrine à lui.

 

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Sa main droite porte le compas. Avec le miroir qui permet de voir le monde à découvert, le compas en donne la mesure.

A cette époque la mesure d'un angle ne se fait pas encore en degrés. L'écartement des branches du compas est reporté sur une règle graduée de "24 double pouces" (Raoul Vergez, in "Les illuminés de l'art royal", édition Juillard, 1976, page 58). Le nombre de pouces tenus entre les deux pointes chiffre simplement la valeur mesurée. Si le compas mesure les 24 double pouces, la règle entière, alors il est ouvert à 90 degrés. La géométrie, à cette époque, prévaut sur l'arithmétique. Les cathédrales se sont bâties au compas et à la géométrie, non avec l'arithmétique. Le compagnonnage nomme cette science "l'art du trait".

 

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Fulcanelli poursuit : " ...Cette noble figure est pour nous une… personnification de la Nature, simple, féconde, multiple et variée sous les dehors harmonieux….. Son miroir, qui est celui de la Vérité, fut toujours considéré par les auteurs classiques comme l’hiéroglyphe de la matière universelle, … pour le signe de la substance propre du Grand Œuvre. Sujet des sages, Miroir de l’Art sont des synonymes hermétiques qui dérobent au vulgaire le nom véritable du minéral secret. C’est dans ce miroir, disent les maîtres, que l’homme voit la nature à découvert. C’est grâce à lui qu’il peut connaître l’antique vérité en son réalisme traditionnel. Car la nature ne se montre jamais d’elle-même au chercheur, mais seulement par l’intermédiaire de ce miroir qui en garde l’image réfléchie. Et pour montrer expressément que c’est bien là notre microcosme et le petit monde de sapience, le sculpteur a façonné le miroir en lentille plan convexe, laquelle possède la propriété de réduire les formes en conservant les proportions respectives…"

"... La vérité, moins abstraite, semble liée davantage au positivisme alchimique des attributs de notre Vertu cardinale. Il est généralement recommandé d’unir " un vieillard sain et vigoureux avec une jeune et belle vierge ". Dans ces noces chimiques, un enfant métallique doit naître et recevoir l’épithète d’androgyne, parce qu’il tient à la fois de la nature du soufre, son père, et celle du mercure, sa mère."

 

 

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Aux pieds de cet androgyne mi-jeune femme, mi-vieillard un serpent agonit. S'enroulant sur lui-même il relève la tête qu'il jette en arrière. Sa fin semble proche.

Le concept de l'homme à la tête double n'est pas nouveau. Le dieu des romains Janus, en reprise de mythologie plus ancienne, possède une tête double. A gauche, de ses yeux morts, il regarde l'année qui finit. A droite, l'oeil vif, il engendre la nouvelle année. Le cycle annuel forme le festin, le banquet, dont il est le maître. La table est le fruit de nos labours.

 

Vitrail cathédrale Notre Dame de Paris, rosace ouest. Janus à deux têtes, d'hier vers demain.

Cathédrale Notre-Dame de Paris. Rosace ouest, détail. Janus ouvre le cycle annuel et les travaux des champs associés.

 

Janus s'apprête à festoyer d'un grand poisson. "Le grand poisson" est, depuis l'ère des catacombes, le symbole du Christ, "le poisson des vivants" (1).

L'assemblage de deux qualités en une seule personne, que traduit le proverbe "si jeunesse savait et si vieillesse pouvait", est enseigné dès l'antiquité sur le décor de vases antiques.

 

Vase au deux têtes, Silène et la jeune femme. Musée de picardie

Silène et la jeune femme. Musée de Picardie, Amiens

 

Le vase ci-dessus, provenant de Toscane et conservé au musée de Picardie, allie le vieux Silène à une jeune femme. Le breuvage contenu allie-t-il les deux qualités ?

 

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(1) Lire l'étude archéologique de 1930, publiée dans la revue Regnabit, pages 39 et suivantes, où les symboles des premiers chrétiens de Carthage sont étudiés. (Format pdf, 5 Mo).