Hôtel Lallemant de Bourges

La quête de la toison d'or

 

Le voyage en Colchide de Jason et des argonautes au jardin des Hespérides

 

Hotel Lallemant de Bourges, bas-relief de la Toison d'or

 

Etonnant bas-relief où un regard rapide ne voit que roche et forêt. Pourtant, malgré la pénombre, le visiteur attentif peut discerner aux angles de la composition des détails insolites.

Ecoutons Fulcanelli qui commente longuement ce bas-relief, magnifiquement mis en croquis par Julien Champagne (en bas de page) :

"Le bas-relief de la Toison d’or, que l’on remarque tout d’abord en entrant, est un très beau paysage sur pierre, rehaussé de couleur, mais faiblement éclairé, rempli de détails curieux que la patine du temps rend difficiles à étudier. Au centre d’un cirque de rochers moussus, aux parois verticales, une forêt, dont le chêne forme la principale essence, dresse ses troncs rugueux et développe ses frondaisons. Des clairières laissent apercevoir divers animaux d’identification malaisée, – dromadaire, bœuf ou vache, grenouille au sommet d’un rocher, etc., – qui viennent animer l’aspect sauvage et peu engageant du site. Sur le sol herbeux croissent des fleurs et des roseaux du genre phragmites. A droite, la dépouille du bélier est posée sur un quartier de roche en saillie, et gardée par un dragon dont on voit la silhouette menaçante se découper sur le ciel. Jason était lui-même figuré au pied d’un chêne, mais cette partie de la composition, sans doute peu adhérente, s’est détachée de l’ensemble (pl. XLIII).

La fable de la Toison d’or est une énigme complète du travail hermétique qui doit aboutir à la Pierre Philosophale. Dans le langage des Adeptes, on appelle Toison d’or la matière préparée pour l’Œuvre, ainsi que le résultat final. Ce qui est très exact, puisque ces substances ne se différencient qu’en pureté, fixité et maturité. Pierre des Philosophes et Pierre Philosophale sont donc deux choses semblables, en espèce et en origine, mais la première est crue, tandis que la seconde, qui en dérive, est parfaitement cuite et digérée. Les poètes grecs nous racontent que " Zeus fut si content du sacrifice fait en son honneur par Phryxos, qu’il voulut que ceux chez qui serait cette toison vécussent dans l’abondance tant qu’ils la conserveraient, et qu’il fût cependant permis à tout le monde d’essayer d’en faire la conquête ". On peut assurer, sans risque d’erreur, que ceux-là ne sont guère nombreux qui usent de l’autorisation. Ce n’est point que la tâche soit impossible ni même extrêmement périlleuse, – car quiconque connaît le dragon sait aussi comment le vaincre, – mais la grosse difficulté gît dans l’interprétation du symbolisme. Comment établir une concordance satisfaisante entre tant d’images diverses, de textes contradictoires ? C’est pourtant le seul moyen que nous ayons de reconnaître la bonne route parmi tous les chemins sans issue, ces impasses infranchissables, qui nous sont proposés et tentent le néophyte impatient de cheminer. Aussi ne nous lasserons-nous jamais d’exhorter les disciples à diriger leurs efforts vers la solution de ce point obscur, quoique matériel et tangible, pivot autour duquel tournent toutes les combinaisons symboliques que nous étudions.

Ici, la vérité apparaît voilée sous deux images distinctes, celle du chêne et celle du bélier, lesquelles ne représentent, comme nous venons de le dire, qu’une même chose sous deux aspects différents. En effet, le chêne a toujours été pris, par les vieux auteurs, pour désigner le nom vulgaire du sujet initial, tel qu’on le rencontre dans la mine. Et c’est par un à-peu- près, dont l’équivalent répond au chêne, que les Philosophes nous renseignent sur cette matière. La phrase dont nous nous servons peut sembler équivoque ; nous le regrettons, mais on ne saurait parler mieux sans outrepasser certaines bornes. Seuls, les initiés au langage des dieux comprendront sans aucune peine, parce qu’ils possèdent les clefs qui ouvrent toutes les portes, que ce soient celles des sciences ou celles des religions. Mais, pour quelques prétendus cabalistes, juifs ou chrétiens, plus riches de prétention que de savoir, combien y a-t-il de Tirésias, de Thalès ou de Mélampus capables de comprendre ces choses ? Non, certes, ce n’est point pour ceux-là, dont les combinaisons illusoires ne conduisent à rien de solide, de positif ni de scientifique, que nous prenons la peine d’écrire. Laissons donc ces docteurs en kabbale dans leur ignorance et revenons à notre sujet, caractérisé hermétiquement par le chêne.

Personne n’ignore que le chêne porte souvent sur ses feuilles de petites excroissances rondes et rugueuses, parfois percées d’un trou, appelées noix de galle (lat. galla). Or, si nous rapprochons trois mots de la même famille latine : galla, Gallia, gallus, nous obtenons galle, Gaulle, coq. Le coq est l’emblème de la Gaule et l’attribut de Mercure, ainsi que le dit expressément Jacob Tollius; il couronne le clocher des églises françaises, et ce n’est pas sans raison que la France est dite la Fille aînée de l’Eglise. Il n’y a plus qu’un pas à faire pour découvrir ce que les maîtres de l’art ont caché avec tant de soin. Poursuivons. Non seulement le chêne fournit la galle, mais il donne encore le Kermès, qui a,  dans la Gaye Science, la même signification que Hermès, les consonnes initiales étant permutantes. Les deux termes ont un sens identique, celui de Mercure. Toutefois, tandis que la galle donne le nom de la matière mercurielle brute, le kermès (en arabe girmiz, qui teint en écarlate) caractérise la substance préparée. Il importe de ne pas confondre ces choses pour ne point s’égarer lorsqu’on passera aux essais. Rappelez-vous donc que le mercure des Philosophes, c'est-à-dire leur matière préparée, doit posséder la vertu de teindre, et qu’il n’acquiert cette vertu qu’à l’aide de préparations premières.

Quant au sujet grossier de l’Œuvre, les uns le nomment Magnesia lunarii ; d’autres, plus sincères, l’appellent Plomb des Sages, Saturnie végétable. Philalèthe, Basile Valentin, le Cosmopolite le disent Fils ou Enfant de Saturne. Dans ces dénominations diverses, ils envisagent tantôt sa propriété aimantine et attractive du soufre, tantôt sa qualité fusible, sa liquéfaction aisée. Pour tous, c’est la Terre sainte (Terra sancta); enfin, ce minéral a pour hiéroglyphe céleste le signe astronomique du Bélier (Aries). Gala, en grec, signifie lait, et le mercure est encore appelé Lait de Vierge (lac virginis). Si donc, frères, vous faites attention à ce que nous avons dit de la galette des Rois, et si vous savez pourquoi les Egyptiens avaient divinisé le chat, vous n’aurez plus lieu de douter du sujet qu’il vous faut choisir ; son nom vulgaire vous sera nettement connu. Vous posséderez alors Chaos des Sages " dans lequel tous les secrets cachés se trouvent en puissance ", ainsi que l’affirme Philalèthe, et que l’artiste habile ne tarde guère à rendre actif. Ouvrez, c'est-à-dire décomposez cette matière, tachez d’en isoler la portion pure, ou son âme métallique, selon l’expression consacrée, et vous aurez le Kermès, l’Hermès, le mercure teingeant qui porte en soi l’or mystique, de même que saint Christophe porte Jésus et le bélier sa propre toison. Vous comprendrez pourquoi la Toison d’or est suspendue au chêne, à la manière de la galle et du kermès, et vous pourrez dire, sans offenser la vérité, que le vieux chêne hermétique sert de mère au mercure secret. En rapprochant légendes et symboles, la lumière se fera dans votre esprit et vous connaîtrez l’étroite affinité qui unit le chêne au bélier, saint Christophe à l’Enfant-Roi, le Bon Pasteur à la brebis, réplique chrétienne de l’Hermès criophore, etc." (Fin de citation)

 

Julien Champagne, toison d'or.jpg (228394 octets)

Croquis de Julien Champagne, l'illustrateur des Fulcanelli, et pas seulement...

 

Des vues rapprochées permettent de mieux visualiser certains détails.

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Dromadaires et roseaux

 

 

Toison d'or du belier 1.jpg (45450 octets)

Dépouille du bélier à la toison d'or

 

 

 

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