Fulcanelli et le mythe de Tristan et Yseult au palais Jacques Coeur

 

 

Fulcanelli fait une lecture alchimique de ce mythe, dans son ouvrage publié en 1926, "Le mystère des cathédrales" :

 

"C’est un joli groupe, sculpté sur un cul-de-lampe, qui orne la chambre dite du Trésor. On assure qu’il représente la rencontre deTristan et d’Yseult. Nous n’y contredirons pas, le sujet ne changeant rien, d’ailleurs, à l’expression symbolique qu’il dégage. Le beau poème médiéval fait partie du cycle des romans de la "Table Ronde", légendes hermétiques traditionnelles renouvelées des fables grecques. Il se rapporte directement à la transmission des connaissances scientifiques anciennes, sous le voile d’ingénieuses fictions popularisées par le génie de nos trouvères picards (pl. XXIX).

Au centre du motif, un coffret creux et cubique fait saillie au pied d’un arbre touffu dont le feuillage dissimule la tête couronnée du roi Marc. De chaque côté apparaissent Tristan de Léonois et Yseult, celui-là coiffé du chaperon à bourrelet, celle-ci d’une couronne qu’elle assujettit de la main droite. Nos personnages sont figurés dans la forêt de Morois, sur un tapis de hautes herbes et de fleurs, et fixent tous deux leurs regards sur la mystérieuse pierre évidée qui les sépare.

Le mythe de Tristan de Léonois est une réplique de celui de Thésée. Tristan combat et tue le Morhout, Thésée le Minotaure. Nous retrouvons ici l’hiéroglyphe de fabrication du Lion vert, - d’où le nom de Léonois ou Léonnais porté par Tristan, - laquelle est enseignée par Basile Valentin sous la lutte des deux champions, l’aigle et le dragon. Ce combat singulier des corps chimiques dont la combinaison procure le dissolvant secret (et le vase du composé), a fourni le sujet de quantité de fables profanes et d’allégories sacrées. C’est Cadmos perçant le serpent contre un chêne ; Apollon tuant à coups de flèches le monstre Python et Jason le dragon de Colchide ; c’est Horus combattant le Typhon du mythe osirien ; Hercule coupant les têtes de l’Hydre et Persée celle de la Gorgone ; saint Michel, saint Georges, saint Marcel terrassant le Dragon, répliques chrétiennes de Persée, tuant le monstre gardien d’Andromède, monté sur son cheval Pégase ; c’est encore le combat du renard et du coq, dont nous avons parlé en décrivant les médaillons de Paris ; celui de l’alchimiste et du dragon (Cyliani), de la rémore et de la salamandre (de Cyrano Bergerac), du serpent rouge et du serpent vert, etc.

Ce dissolvant peu commun permet la réincrudation (1) de l’or naturel, son amollissement et le retour à son premier état sous la forme saline, friable et très fusible. C’est là le rajeunissement du roi, que signalent tous les auteurs, début d’une phase évolutive nouvelle, personnifiée, dans le motif qui nous occupe, par Tristan, neveu du roi Marc. En fait, l’oncle et le neveu ne sont, chimiquement parlant, qu’une même chose, de même genre et d’origine semblable. L’or perd sa couronne, – en perdant sa couleur, – durant un certain laps de temps, et s’en voit dépourvu jusqu’à ce qu’il soit parvenu au degré de supériorité où l’art et la nature peuvent le porter. Il en hérite alors d’une seconde, « infiniment plus noble que la première », ainsi que nous l’assure Limojon de Saint-Didier. Aussi, voyons-nous se détacher nettement les silhouettes de Tristan et de la reine Yseult, tandis que le vieux roi demeure caché dans les frondaisons de l’arbre central, lequel sort de la pierre comme l’arbre de Jessé sort de la poitrine du Patriarche. Remarquons encore que la reine est à la fois l’épouse du vieillard et du jeune héros, afin de maintenir la tradition hermétique qui fait du roi, de la reine et de l’amant la triade minérale du Grand Œuvre. Enfin, signalons un détail de quelque valeur pour l’analyse du symbole. L’arbre situé derrière  Tristan est chargé de fruits énormes, – poires ou figues géantes, – en telle abondance que le feuillage disparaît sous leur masse. Etrange forêt, en vérité, que celle de Mort-Roi, et combien nous serions porté à l’assimiler au fabuleux et mirifique Jardin des Hespérides !" (fin de citation).

 

 

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(1)Terme technique hermétique qui signifie rendre cru, c'est-à-dire remettre dans un état antérieur à celui qui caractérise la maturité, rétrograder.

 

 

 

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