Le tarot des Avenières, la Justice

Huitième lame du tarot, cette justice n'est pas celle des hommes. Elle est  celle de la Nature, de la Vie. La balance pèse les poids de nature, à l'instar de la balance de Saint Michel qui, à la fin des temps, pèse les âmes lors de la psychostasie. L'apport maçonnique du XIXe agrémente le siège de la justice des deux colonnes du Temple de Salomon, Jakin et Boas, nommée ici "J" à droite et "B" à gauche. Elles représentent les deux pôles entre lesquels la Vie se développe, l'actif et le passif, le Soleil et la Lune.

La justice, assise entre les colonnes Jakin et Boas, tient l'épée dans sa main droite et la balance dans sa main gauche.

Nous comprenons immédiatement le sens des deux plateaux de la balance. Ils révélent le lourd et le léger, lors de la pesée. Systématiquement oublié, le fléau est, à mon sens, le véritable enseignement de la balance. Le fléau relie le lourd au léger, le poids inconnu au poids de référence. Il lie les aspects contraires et permet l'harmonie. Il est la Mesure, l'Harmonie, le lien qui relie les choses, les êtres, les destins entre eux. Si le lien est impossible, alors l'épée, de l'autre main, tranche et rejette et précipite le lourd vers le bas, comme lors de la psychostasie à la fin des temps.

La balance se dit "libra", en latin. Il y a un jeu de mot phonétique, cabalistique, avec "liber" qui  signifie "livre". Le premier mot latin est féminin, le deuxième masculin. Ce double aspect est mis en oeuvre par Michel Colombe, sculpteur né à Bourges vers 1430, pour le mausolée de François II à Nantes,commandé par Anne de Bretagne.

Tombeau de François II à Nantes, réalisé par Michel Colombe et son atelier. Le livre ouvert présente sur ses deux pages la balance avec ses deux plateaux. Magnifique pensée symbolique. Le pommeau de l'épée est luni-solaire.

N'oublions pas ici, aux Avenières, ce double aspect. Le Grand livre de la Nature contient, écrit dans ses pages, l'indication du juste poids des choses.

Regardons le bas de la lame. Un signe zodiacal et un signe planétaire encadrent un losange bleu dont les différents tons donnent l'illusion de relief, le transformant en pyramide rectangulaire.

Le signe zodiacal du Cancer et Soleil-Vénus ou Cuivre aurifère

Ici le signe du zodiaque du cancer est inscrit. Seuls six signes zodiacaux sont représentés sur l'ensemble des vingt deux lames du tarot. Pourquoi celles-ci plutôt que les autres ? Mystère. Au centre droit le signe planétaire ou métallique de Vénus est représenté étrangement. Le centre du cercle est apparent, figurant ainsi le signe planétaire du Soleil ou le signe métallique de l'or.

Il s'agit d'un signe double Vénus-Soleil ou Cuivre-Or, qui n'existe pas en tant que tel. Il y a là une astucieuse invention propre aux Dina et Mary Shilllito.

La tonalité rouge de cette lame, l'habit de la femme, le dossier de son trône, les lotus rouges et les deux colonnes à taisselles roses et oranges, indiquent une lame d'action, à l'opposé des lames à dominante bleu. Les dessous des avant-bras et les bords extérieurs des côtes sont dessinés par des taisselles, petit pavé de mosaïque, rose vif. Vu sur place elles donnent une impression de feu, de flamboiement étonnant, comme si un feu propre l'animait. Mais n'est-elle pas dominée, juste au dessus, par le Diable ?

Ci-dessous, en référence, la lame du tarot de Marseille redessinée et peinte par Oswald Wirth (1860-1943), en 1889, pour son maître Stanislas de Guaita (1861-1897).

Tarot de Wirth, 1889. Copyright © the Golden Dawn Research Trust, 2008

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