Assan Dina et l'Observatoire de Paris

Les travaux au Laboratoire d'Optique

 

La lettre d'Assan Dina à Danjon du 4 mars 1926 montre les points litigieux de la collaboration entre l'équipe du laboratoire et Dina.

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Extraits de cette lettre :

"1° - Nous n'avons aucune certitude réelle sur la solidité des miroirs cellulaires collés.

2° - Nous ne pouvons pas annoncer et dire à une commission que nous sommes sûrs des résultats de ces miroirs de grande dimension, puisque, de votre aveu même, celui de 150 ne sera pas terminé avant 10 semaines (si nous n'avons pas de nouvelle et mauvaise surprise, surtout si M. Ritchey persiste à être malade).

Je vous rappelle à ce sujet que le contrat de M. Ritchey porte expressément que la continuation des travaux ne pourra être ordonné qu'après que le 150 aura fait ses preuves.

3° - L'impossibilité et la non valeur des plans de la monture du 150 ne permet pas d'en saisir la Commission, comme vous le dites d'ailleurs, ce qui réduira de beaucoup la valeur et la portée des décisions de la dite Commission appelée à se prononcer sur ces questions mêmes, qui font la base du travail futur

Je ne vois rien, par ailleurs, des travaux qui se font dans le laboratoire Dina, puisqu'on néglige de m'envoyer le rapport succint qui m'avait été promis depui longtemps.

Qu'est devenue l'étude et les plans du télescope de 5 mètres, qu'on m'a montrés à mon passage à Paris en novembre 1925, et qui étaient si avancées ?

Qu'a-t-on fait avec les miroirs d'étude, qu devaient se faire en même temps que le 1,50m, avec les cloisons diversement écartées, et avec des verres d'une épaisseur différente ?

Il me semble que je ne devrais pas avoir à les redemander deux fois, lorsqu'ils m'ont été promis.

Que fait M. Couderc ? Votre lettre ne me dit rien de tout cela et pourtant c'est votre inspection qui constitue mon appui et qui doit me renseigner.

4° - L'état d'avancement peu important de la route du Salève ne permettra pas le commencement de travaux importants avant deux ans, c'est-à-dire avant novembre ou décembre 1927, époque où la montagne est impraticable. Je serais donc heureux que mes collaborateurs, attaquant commem oi le problème, ou dans des vues concordantes, voient l'intérêt qu'il y a à donner des certitudes absolues quand aux grands télescopes, que je désire tant construire, et que rêvant des améliorations réelles et nouvelles que la technique modernes nous a apportées, nous puissions dire tous, avec la même fierté, à la Commission et au Monde entier :

Nos efforts ont abouti : nous avons créé des instruments d'un type nouveau, réellement perfectionnés, plus légers, plus simples, plus puissants, nous avons assis les bases d'une fondation et d'une organisation qui peut servir aux autres, et qui sera la source de découvertes et de recherches jusqu'ici inaccessibles aux autres nations.

En un mot, et je crois l'avoir dit au général, il nous faut présenter à la Commission, à mon avis, des plans, des résultats tangibles, une preuve d'avancement réel et de succès, que rien ne me permet d'entrevoir jusqu'ici.

Que feront les trois dessinateurs de M. Ricthey, le fils de Ritchey, etc... pendant les dix semaines que vous m'annoncez, et que font-ils depuis deux mois, puisqu'ils n'ont plus touché au plan du 1,50, qui sont restés enfouis dans les cartons, depuis leur rejet par moi ? Pour le programme, je suis ici et vais faire moi-même une exploration et une étude sérieuse de FortCalquier afin de voir s'il est possible de placer dans ce bled, comme vous le dites, une installation dont les ressources seraient acceptées et adoptées par les astronomes,difficiles comme vous le savez."

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Cette lettre nous renseigne de manière significative. L'ambiance de travail est mauvaise, voire très mauvaise. La confiance est rompue. "Ritchey persiste à être malade", écrit Assan Dina. Autrement dit il l'accuse de se soustraire à ses obligations professionnelles de manière malhonnête. Ce fait est agravé par l'absence de communication du laboratoire envers Assan Dina. Plus aucune information ne remonte à lui. Il est donc autorisé à penser qu'il y a une volonté de mise à l'écart, de dissimulation. Ce comportement peut-être qualifié même de goujaterie. "Paye et tais-toi", doit penser Dina. on ne peut lui donner tord.

Nous apprenons que la construction de la route du Salève, travail titanesque, prend du retard. L'hiver oblige à stopper le travail. Par ailleurs à cette époque et dans ces lieux aucune mécanisation n'existe. Tout est fait à mains d'hommes, les charriots sont à traction animale et le travail aux champs est prioritaire.

Enfin un dernier point semble annexe : Assan Dina va aller à Fortcalquier (Haute-Provence) étudier les "ressources de ce bled". En clair il s'agit de vérifier si l'atmosphère de Fortcalquier serait meilleure que celle des Avenières, plus propice à l'installation de la plus gigantesque machine à observer le ciel jamais construite par l'homme, d'une sorte de Hubble terrestre de l'époque. Mais Assan Dina doit le pressentir. Là sera la cause d'achoppement incontournable du projet, la catastrophe  incommensurable, signant la fin du projet du mont Salève, obligeant à l'installation de "son" observatoire loin du château des Avenières.

Mais nous sommes pas encore là dans la chronologie.

 

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